A la une de #rbnews international cette semaine:
- Les cinq dernières femmes séropositives qui avaient été arrêtées lors de la campagne électorale, paradées dans les média et emprisonnées pendant des mois ont toutes été acquittées et libérées par un tribunal d’Athènes.
- Les projets d’exploitation minière en Chalcidique mais aussi dans d’autre régions du nord de la Grèce continuent à susciter des manifestations de milliers de personnes.
- Les étudiants et le milieu universitaire dans son ensemble réagit au plan Athéna de réforme de l’enseignement supérieur par des occupations de locaux et des manifestations.
- Les députés de l’Aube dorée ont été décrétés persona non grata à la commémoration des morts de la résistance nationale à Tsaritsani près de Larissa, au moment où le parlement grec, encore une fois, lève l’immunité parlementaire d’Ilias Kasidiaris pour son attaque physique contre la députée communiste Liana Kanelli.
1. Séropositives
Les femmes séropositives qui avaient été emprisonnées et trainées devant les caméras de la télévision grecque dans le contexte d'une campagne sans précédent de criminalisation du VIH/SIDA en Grèce ont toutes été libérées.
Les cinq dernières femmes, qui étaient encore en prison dans l'attente d'un procès pour plus de dix mois ont été acquittées lundi par un tribunal à Athènes. En tout, huit femmes ont été acquittées jusqu'à présent sur les 26 toxicomanes séropositives qui avaient été arrêtées en Mai dernier au cours d'une opération policière lors de laquelle de multiples violations des droits de l'homme et de la confidentialité médicale avaient eu lieu. Le ministre de la santé à l'époque des faits, Andreas Loverdos, avait accusé ces femmes d'être des prostituées qui savaient être séropositives et qui par conséquent représentaient un danger pour la santé publique. Le Centre national pour la prévention et le contrôle des maladies avait alors collaboré de près avec la police lors de l'opération de ratissage, et avait effectué des tests rapides pour le VIH sur les détenues sans demander leur consentement. Elles avaient été par la suite arrêtées et accusées d'avoir l'intention de causer des dommages physiques graves à leurs clients.
A part les huit femmes qui ont été acquittées, les autres 18 ont été relâchées et l'accusation de tentative intentionnelle de causer des dommages physiques graves, qui est un crime, a été réduite à une simple infraction.
Dans une déclaration à la suite de l'acquittement, l'Initiative de solidarité envers les femmes séropositives persécutées, un groupe activiste formé dans les premiers jours qui ont suivi les arrestations, a demandé que des "responsabilités criminelles" soient établies par rapport à toute l'histoire. Certaines des femmes qui avaient été arrêtées ont entamé des procédures judiciaires contre les autorités auprès de la justice grecque et européenne avec le soutien d'ONG grecques.
Radiobubble a suivi cette histoire de près; notre collaboratrice Zoe Mavroudi prépare un documentaire vidéo sur le sujet, qui devrait être diffusé au printemps 2013.
2. Manifestations contre les mines de métaux
Les manifestations contre les projets miniers dans le nord de la Grèce ont gagné du terrain cette semaine, après que la réaction des autorités à l'incendie criminel le mois dernier contre le site de Skouries, qui appartient à la compagnie Hellas Gold, autrement dit Or grec, et sa compagnie mère Eldorado Gold, s'est transformée en véritable opération de répression contre le village de Ierissos en Chalcidique. Il y a eu 154 détentions arbitraires d'habitants de la région depuis le 17 février, culminant en une incursion de la police anti-émeute et des unités anti-terroristes dans le village de Ierissos le 7 mars. Les habitants, les détenus et leurs avocats accusent la police de violence excessive, de torture même, et de forcer les détenus à fournir des échantillons d'ADN.
Une manifestation contre les mines organisée par les comités populaire des trois régions du nord de la Grèce menacées par des projets d'exploitation minière, la Chalcidique, Kilkis et la Thrace, a eu lieu à Thessalonique le 9 mars. La foule a été estimée jusqu'à 20000 personnes, dont des habitants des trois régions concernées mais aussi des habitants de Thessalonique qui se sont joints à eux par solidarité. Des enseignants, des étudiants et des associations de parents d'élèves qui participaient à une manifestation contre des coupes budgétaires pour l'éducation, qui avait lieu en même temps, ont aussi décidé de se joindre à la manifestation contre les mines. La manifestation s'est déroulée sans incident; cependant, la police a évacué les journalistes du haut de la Tour blanche sur le front de mer de Thessalonique afin de les empêcher de prendre des photos. Ce geste de manipulation de la presse n'a pas été relevé par les média dominants.
Deux autres manifestations ont eu lieu le 12 mars à Komotini en Thrace et à Athènes. A Komotini, environ 3000 personnes se sont rassemblées sur la place centrale de la ville pour protester contre le projet d'Eldorado Gold de lancer l'exploitation minière dans la région; les participants ont signalé une importante présence de la minorité musulmane de Thrace dans la manifestation, une communauté historiquement marginalisée. A Athènes, environ 5000 personnes ont défilé du bâtiment historique de l'Université d'Athènes à la place Syntagma, contre les mines et en solidarité avec les habitants de Ierissos. Une autre manifestation était prévue à Héraklion en Crète le 15 mars.
Le premier ministre grec, Antonis Samaras, a signalé cette semaine que son gouvernement était prêt à discuter des plans d'exploitation minière en Thrace, mais a répété que les décisions pour les projets en Chalcidique sont irrévocables. Il faut noter ici qu'il y a à peine quelques semaines, il avait annoncé que les permis pour lancer le projet minier en Thrace seraient émis sous dix jours. Entre-temps, les détentions arbitraires d'habitants de Chalcidique continuent: une quinzaine de détentions ont été signalées cette semaine; les méthodes de la police étaient cependant moins brutales, les unités anti-terroristes ayant été retirées de l'enquête, qui est désormais la responsabilité de la Sécurité nationale.
3. Réactions contre le plan Athéna
Des douzaines de départements et de facultés, ainsi que des universités et des instituts supérieurs d'enseignement technique sont occupés par des étudiants qui protestent contre le plan Athéna de réforme de l'enseignement supérieur. Le ministère de l'éducation affirme que le plan Athéna, qui prévoit la fusion de départements, de facultés et même d'institutions universitaires rationalisera l'allocation des ressources financières dans l'enseignement supérieur afin d'en réduire le coût pour l'Etat. Le milieu de l'enseignement supérieur dans son ensemble accuse les autorités d'avoir planifié les fusions sur la base de relations népotistes et affirme que des dizaines de milliers d'étudiants devront changer d'université si le plan est mis en œuvre, au moment même où leurs familles ne peuvent financer un tel déménagement. A Thessalonique, 6 étudiants ont entamé une Grève de la faim depuis plus d'une semaine pour protester contre la fermeture de leur département, ce qui les forcerait à déménager à Mesologgi.
Beaucoup s'inquiètent du fait que le plan Athéna pourrait mener à une dégradation des conditions dans les universités publiques et ainsi promouvoir le développement d'institutions d'enseignement supérieur privées. De plus, il est apparu cette semaine que l'étude sur laquelle le ministère a fondé le plan a été menée par une compagnie privée, IEK AKMI, qui propose des programmes d'enseignement postsecondaire privés et aurait ainsi intérêt à pousser vers une limitation de l'accès à l'enseignement supérieur public.
La dégradation des conditions dans les universités publiques est apparue clairement cette semaine, lorsqu'il a été annoncé que les abonnements à des revues scientifiques seraient tous suspendus à partir du 1er Avril car le ministère de l'éducation n'a pas libéré les fonds pour les renouveler.
Les manifestations contre le plan Athéna ont pris une tournure dramatique le 10 mars à Mesologgi, où l'institut d'enseignement technique doit être fermé. Des manifestants ont encerclé l'hôtel où le vice-ministre de la santé, Marios Salmas, était en réunion avec ses partisans, et ont essayé d'entrer dans le bâtiment en dépit de la présence de forces anti-émeute, qui les ont repoussés avec du gaz lacrymogène. Il semble que le ministre ait accepté de rencontrer une délégation d'habitants mais ait par la suite préféré fuir l'hôtel par la porte arrière. Des témoins ont rapporté que sa voiture a foncé à travers la foule, entraînant quelques manifestants et en blessant un avec le rétroviseur. D'autres affrontements ont alors eu lieu entre la police et les manifestants, avec en tout 12 personnes transférées à l'hôpital avec des blessures ou des problèmes respiratoires.
Une manifestation étudiante panhellénique a eu lieu à Athènes le 14 mars contre le plan Athéna. Il s'agit de la plus grande manifestation contre le plan à ce jour, avec des milliers de participants représentant la quasi-totalité des universités et instituts d'enseignement technique d'Athènes, mais aussi d'autres villes, dont Thessalonique, Patras, Larissa, Volos, Ioannina etc.
Les réactions du milieu universitaire ont déjà forcé le gouvernement à modifier le projet de loi et à annuler certaines de ses dispositions. Il faut noter cependant que le plan Athéna deviendra loi non pas à la suite d'un vote au parlement, mais à la suite d'un acte de contenu législatif ou décret, un procédé qui ne requiert que la signature du président de la république, contournant ainsi le contrôle parlementaire. Selon la constitution grecque, ce type de décret est prévu pour les situations d'extrême urgence; le gouvernement actuel cependant a abusé de la procédure depuis novembre 2012 afin de légiférer dans des cas où il n'est pas sur d'avoir le soutien d'une majorité des députés.
4. Aube dorée
Le 10 mars, le député de l'Aube dorée de Larissa et un certain nombre de cadres de la section locale du parti néonazi ont été chassés du village de Tsaritsani en Grèce centrale par les habitants qui étaient assemblés en hommage aux 45 combattants de la résistance nationale massacrés par les forces d'occupation durant la Seconde Guerre mondiale en 1943. L'Association culturelle de Tsaritsani, qui organisait la commémoration, a émis par la suite un communiqué de presse intitulé "Le fascisme ne passera pas", dans lequel il condamnait l'Aube dorée. De nombreux média ont noté que l'Aube dorée avait reçu un nombre de votes inattendu dans des villages et de petites villes victimes de massacres par les nazis lors de la Seconde Guerre mondiale, tels que Kalavryta et Distomo. Il y a eu cependant plusieurs cas dans lesquels des représentants de l'Aube dorée n'ont pas été autorisés à entrer dans ces villages, par exemple à Viannos en Crète, où les habitants ont pris les mesures nécessaires pour bloquer l'accès aux néonazis durant la campagne électorale en Avril puis de nouveau durant une tournée de l'Aube dorée en Crète en Septembre 2012.
Entre-temps, l'Aube dorée a été confrontée à un nouvel échec cette semaine, au niveau parlementaire cette fois, lorsqu'une majorité écrasante des députés a voté en faveur de la levée de l'immunité du député et porte-parole de l'Aube dorée Ilias Kasidiaris, autorisant son procès pour avoir agressé la députée communiste Liana Kanelli au cours d'une émission télévisée en direct en juin 2012. Seulement trois députés, tous trois membres de la Nouvelle Démocratie, le parti majoritaire de la coalition gouvernementale, ont voté contre la levée de son immunité, contrairement à la ligne du parti. Deux d'entre eux ont affirmé par la suite avoir fait une erreur, tandis que le troisième, le secrétaire-général du parti Manolis Kefalogiannis, a défendu son choix, disant que Kasidiaris devrait avoir une chance de présenter ses excuses.
Kefalogiannis n'a pas encore avancé de réponse au fait que son nouveau chef de cabinet, Ilias Philippakopoulos, a été identifié comme étant un ardent partisan de la Junte des colonels par le magazine HOT DOC la semaine dernière. De plus, cette semaine, le site web left.gr a découvert que Ioannis Kotoulas, conseiller du vice-ministre de l'intérieur pour la citoyenneté, la naturalisation et l'immigration, a des sympathies pronazies. Kotoulas est l'auteur d'un livre intitulé "La Montée du 3ème Reich", dans lequel il décrit le nazisme comme étant "une grande révolution." Deux partis de la coalition gouvernementale, PASOK et Gauche démocratique, le principal parti d'opposition SYRIZA et le Conseil central des communautés juives de Grèce ont exigé la démission de Kotoulas mais n'ont pas reçu de réponse de la Nouvelle Démocratie jusqu'à présent.
Enfin, une campagne a été lancée cette semaine pour persuader la direction de l'hôtel Président à Athènes de refuser d'héberger une soi-disant conférence de l'Aube dorée au sujet de la révolution grecque de 1821. L’hôtel n’a pas accepté d’annuler l’évènement mais a du fermer sa page Facebook en raison de la publicité négative causée par la campagne. Durant la conférence, le député et porte-parole de l’Aube dorée Ilias Kasidiaris a, entre autres, menacé qu’une grande manifestation aurait lieu si les chaînes de télévision diffusaient des feuilletons turcs le 25 mars, jour anniversaire de la révolution grecque.
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