Tuesday, 11 June 2013

La liste Lagarde et le procès de Kostas Vaxevanis

De @Polyfimos, traduit par @IrateGreek

Le 6 juin 2013, l'ancien tsar de l'économie grecque George Papaconstantinou regardait l'assemblée plénière du parlement grec, qui l'avait déjà mis en accusation pour falsification de document et faute professionelle grave, procéder à un vote afin d'ajouter aux les accusations portées contre lui la déloyauté, dans le cadre du scandale de la liste de 2 062 Grecs détenteurs de comptes bancaires en Suisse, mieux connue sous le nom de « liste Lagarde. »

Quatre jours plus tard, Kostas Vaxevanis, le journaliste qui avait été arrêté et jugé pour avoir publié les noms de la liste le 27 octobre 2012 se retrouvait, pour la deuxième fois, à la place de l'accusé pour la même affaire, après que le procureur a exigé un nouveau procès, parce que le tribunal « n'a pas accordé une importance suffisante aux preuves du dossier et les a mal prises en compte. »

Ce deuxième procès est venu à la suite d'un premier, le 1er novembre 2012, qui, comme le dit Kostas Vaxevanis  lui-même dans une lettre ouverte au président de la Commission européenne José Manuel  Barroso, avait été mené avec une telle hâte que « l'acte d'accusation ne comprenait aucune preuve, pas même une copie du magazine. Les chefs d'accusation avaient été préparés en telle hâte qu'ils ont même oublié de mettre le sceau du procureur sur le dossier. »

L'acquittement du journaliste à l'époque était fondée sur le motif que l'article publié dans son magazine ne contenait aucune information au-delà des noms des épargnants dans une banque, ce qui, selon son propre argument « n'est pas une donnée personnelle, car personne ne cache son visage pour aller au guichet automatique. » Un paramètre important du point de vue de la cour a été, en outre, la reconnaissance du fait que cette publication servait l'intérêt public.

L'arrestation de Kostas Vaxevanis 28 octobre 2012, jour de fête nationale, avait suscité l'intérêt des médias internationaux à travers le monde, à un moment où les disputes au sujet de la surtaxation continue du Grec moyen et l'incapacité totale du gouvernement à lutter contre la fraude fiscale causaient bien des soucis à la coalition gouvernementale nouvellement élue, composée de la Nouvelle démocratie d'Antonis Samaras, de la Gauche démocratique de Fotis Kouvelis et du PASOK d'Evangelos Venizelos. Ce dernier, en outre, est un ancien ministre des finances qui avait succédé à George Papaconstantinou.

Le fait de participer à cette coalition s'est avéré particulièrement utile au le président du PASOK, lorsque, le 18 janvier 2013, un vote de majorité gouvernementale l'a protégé contre la motion qui avait été soumise au parlement de le mettre en examen en même temps que George Papaconstantinou, avec les mêmes chefs d'accusation. Ce vote a également exonéré les deux anciens premiers ministres, George Papandreou et Loucas Papademos, de toute responsabilité criminelle dans l'affaire de la liste Lagarde.

En avril 2010, alors que le gouvernement grec procédait à la finalisation des accords pour mettre en oeuvre le premier plan de sauvetage de la Grèce par le FMI, l'UE et la Banque centrale européenne, la liste Lagarde arrivait en Grèce par la voie officielle, de la part des autorités fiscales françaises. Ceci n'a été révélé qu'il ya quelques jours, car, auparavant, les témoignages contradictoires des ministres des finances et les procureurs financiers indiquaient que la date initiale de réception de la liste était « à un certain moment » en Octobre 2010.

L'enquête menée par Kostas Vaxevanis et l'équipe de journalistes du magazine Hot Doc qui ont publié la liste montre que l'affaire implique une tentative délibérée de dissimuler la liste au lieu de l'utiliser, sous prétexte que les ministres et les procureurs financiers qui étaient alors responsable ne savaient pas qu'il s'agissait un document légal, car toutes les parties impliquées dans l'affaire ont affirmé qu'ils avaient oublié à qui ils avaient confié la liste et qu'ils avaient perdu les pièces jointes du premier envoi ainsi que les copies numériques d'origine.

Le deuxième exemplaire de la liste de Lagarde, qui a été livré à nouveau par les autorités françaises à leurs homologues grecs en décembre 2012, a été la raison de la mise en examen de l'ancien ministre des finances Papaconstantinou et de son renvoi devant le comité d'enquête parlementaire, parce que, des 2 059 noms de détenteurs de compte jusqu'alors connus à travers la publication de la première liste, il s'est avéré que trois noms manquaient, et que c'étaient les noms de membres de sa famille.

En janvier 2013, Kostas Vaxevanis a publié un article dans Hot Doc​​ où il explique pourquoi il a porté plainte contre George Papaconstantinou et le président du PASOK, Evangelos Venizelos, dont le parti est membre de la coalition gouvernementale actuelle. Il a engagé des poursuites, dit-il, parce qu'il considère que les deux anciens ministres des finances sont responsables d'avoir caché la liste Lagarde au lieu de l'utiliser au service de l'intérêt public, ainsi que d'avoir fait disparaître un document officiel.

Cette plainte est venue sur les talons de la confession télévisée d'Evangelos Venizelos, qui a admis que, de mars à octobre 2012, alors qu'il n'était plus ministre des finances mais simplement président du PASOK au cours de la période électorale de 2012, il avait en sa possession une copie de la liste Lagarde, qu'il a omis de le remettre à son successeur au ministère des finances, Yiannis Stournaras qui, à son tour, a affirmé dans une interview au Financial Times fin septembre 2012 qu'il avait entendu parler pour la première fois de la liste Lagarde dans les journaux.

L'accusé d'aujourd'hui, Kostas Vaxevanis, affirme que s'il est finalement condamné pour avoir publié la première liste Lagarde, un geste qui a enfin mis en route la réaction des autorités françaises, du Parlement grec, du ministère des finances et de deux anciens ministres des finances, dont l'un est actuellement confronté à de graves accusations, il ne fera pas appel de la décision et ira en prison. Ce qui, selon sa lettre ouverte à José Manuel Barroso, est « la seule façon de montrer ce qui se passe vraiment dans ce pays, qui a ses racines dans la démocratie grecque antique et prétend adopter la démocratie européenne. »

Toutefois, avant d'assister à une nouvelle parodie de procès du journaliste Kostas Vaxevanis, pour une affaire où la commission parlementaire qui mène l'enquête comprend deux députés dont des parents sont directement liés à la liste Lagarde, relisons les paroles prononcées par George Papaconstantinou au Parlement le 6 juin 2013, peu de temps après avoir appris que les nouveaux chefs d'accusation contre lui ont été approuvés par 234 ouis, 21 nons et 7 abstentions.
« Puisque nous parlons de la possibilité du crime de déloyauté à cause du fait que je n'ai pas utilisé ces informations, la question se pose: pourquoi d'autres, après moi, ne les ont-ils pas utilisées? Pourquoi ont-ils décidé que ces informations ne peuvent pas être utilisées à des fins fiscales? Pourquoi ont-ils mis la liste au fond d'un tiroir? [...] Vraiment? Est-ce qu'ils (Evangelos Venizelos, Giannis Diotis - chef du département des crimes financiers) ont été retenus par l'absence de paperasses françaises, quand le département des crimes financiers peut et doit utiliser des informations de source anonyme? Pourquoi ces informations ont-elles été transmises par M. Diotis à mon successeur au minsitère des finances (Evangelos Venizelos) et ensuite enterrées dans un tiroir pendant 16 mois? De qui se moque-t-on? »
C'est bien là la question...

<<< Billet précédent dans cette série: Grèce - la liberté de la presse en chute libre.

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